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vendredi 14 février 2025
Formation professionnelle
De l’importance des prérequis
Pour déterminer à qui répond la formation que vous proposez.
Pour avoir travaillé avec un certain nombre d’organismes de formation, j’ai pu constater la différence entre ceux qui appliquaient de vrais prérequis (et qui sont rares) et ceux qui n’en appliquaient pas.
Dans le premier cas, les chances de réussite sont tout simplement bien plus élevées que dans le second.
Avant-propos
Je cherchais des données sur les prérequis en formation professionnelle sur le Net, et bien qu’utilisant plusieurs moteurs de recherches, je ne trouvais que des pages sur des formations qui décrivaient les prérequis à celle-ci. Je me suis donc tourné vers quelques IA qui me parlaient de l’importance des prérequis, mais sans pouvoir me donner d’études réelles et sérieuses sur le sujet. Aucun travail académique, aucune étude officielle, rien que des compilations de trivialité sur le thème. Je leur ai donc demandé s’il n’existait pas de telles études et/ou travaux académiques… et elles m’ont répondu que la toile était pauvre sur le sujet.
Cet article n’est donc pas une étude académique, mais simplement un retour d’expérience sur le sujet et un avis personnel en la matière.
Des prérequis, pour quoi faire ?
Peut-être, la première importance des prérequis est de lutter contre l’échec de la formation. Les prérequis permettent de déterminer si une personne est apte à suivre une formation avec une chance d’acquérir les compétences qu’elle met en œuvre. Ils déterminent non seulement si la personne possède les connaissances et les compétences préalables à suivre la formation, mais aussi si sa motivation est suffisante pour l’effort qui sera nécessaire à celle-ci.
Pour reprendre mon leitmotiv sur ce qu’un·e apprenant·e sait, veut peut et doit faire, les prérequis s’attachent à chacune de ces prises en compte de la personne pour déterminer non seulement les critères techniques et culturels de la personne, mais aussi un point de vue psychologique.
Or, la plupart du temps, les organismes qui évaluent les prérequis ne connaissent pas le métier qui va être enseigné pour les formations longues, ou les situations de travail actuelles et à venir pour les formations courtes.
Je vais donc tenter ici de déterminer en quoi les prérequis sont importants pour chacun de ces critères.
Ce que l’apprenant·e sait faire.
On est ici dans le domaine de la connaissance, de la culture.
Formation longue d’apprentissage d’un métier
Pour une formation longue, une des premières choses à vérifier est si la personne a une réelle conscience du métier qu’elle tentera d’acquérir. Pour avoir enseigné le webdesign et le webmastering dans de nombreuses circonstances, j’ai remarqué que la plupart du temps les personnes ne savaient pas ce qu’étaient ces métiers.
Avant toute formation longue, il conviendrait d’avoir une séance de présentation du métier par un·e professionnel·le, permettant à chacun d’avoir une vision claire de ce qui les attend.
Par exemple, j’ai croisé un grand nombre de jeunes pensant que le webdesign consistait à dessiner des interfaces, et que le métier se rapprochait plus du graphisme que de l’analyse du besoin et de la manipulation de données. Et pour ainsi dire, aucune des personnes qui entamaient cette formation avec cette idée n’a pu la réussir.
Mais cela ne suffit pas. L’environnement culturel de la personne est important. Toujours dans le même exemple, une question à poser serait quelles pratiques du Web la personne a-t-elle ? Quels logiciels a-t-elle utilisés dans sa vie personnelle ou professionnelle ? Et au-delà des logiciels, a-t-elle une connaissance, ne serait-ce que superficiel d’Internet et de son fonctionnement ?
Cela ne veut pas dire que des personnes qui ne répondent à aucun de ces critères ne pourront pas devenir webdesigners, cela veut simplement dire que le parcours sera différent et qu’il est nécessaire de commencer par des cours permettant de lui faire appréhender le contexte culturel du métier.
Formation courte et apprentissage de compétences spécifiques.
Dans le cas de formations courtes, la situation est différente. A priori, la personne connait l’environnement de travail et doit acquérir des compétences supplémentaires à celles qu’elle a déjà. Néanmoins, il est important de voir la connaissance « théorique », « conceptuelle » qu’elle possède de son travail pour évaluer si cette connaissance va lui permettre d’intégrer dans ce qu’elle sait déjà faire, la nouvelle compétence recherchée.
Pour exemple, sur un perfectionnement Photoshop sur la chromie, certaines personnes n’avaient aucune idée, même partielle sur ce qu’est la couleur et sur la façon dont elle se comporte en fonctionnement de l’environnement de travail. Un peintre travaille la couleur selon une certaine approche, et si ce dernier veut retoucher ses photos, il lui est nécessaire d’adopter une autre connaissance de la couleur, une « théorie plus large ».
Dans la plupart des cas des formations courtes que j’ai données en intra, chaque personne avait un programme défini en fonction des prérequis et je n’ai que rarement eu l’occasion de donner la même formation pour une compétence donnée.
Sur que la personne sait de l’attendu
Enfin, la connaissance de l’attendu est primordiale et fait, à mon sens, partie des prérequis. La personne sait-elle ce que l’on va attendre d’elle et comment va-t-on y parvenir ? La plupart du temps, ce n’est pas le cas, surtout dans les formations longues. Il est donc nécessaire de bien l’informer sur le chemin qui sera parcouru et sur la quantité de travail nécessaire à ce dernier.
Ce que la personne peut faire
Ici, je ne parle plus de connaissance, mais de compétences. Il s’avère que la plupart d’entre nous n’avons pas toujours à l’esprit les compétences que nous possédons, surtout quand celles-ci ont trait à des compétences relationnelles ou psychologiques.
Mais même certains savoir-faire techniques ne nous viennent pas à l’esprit, simplement parce que ce sont des savoir-faire composites que nous n’avons jamais eu l’occasion d’utiliser ou parce que nous n’utilisons pas la même dénomination pour une activité, ou que le contexte est différent de celui dans lequel on se projette.
Il y a toujours des compétences cachées.
C’est au moment de la détermination de la correspondance de la personne avec les prérequis qu’il convient de les faire émerger. En cela, la détermination de cette correspondance doit être un vrai dialogue, une vraie recherche pour connaitre l’autre, et pas simplement un questionnaire à réponses multiples.
Les « compétences transverses » sont importantes dans la plupart des métiers, et il convient de les identifier dans l’analyse de la correspondance des prérequis.
Ce que la personne veut faire
Là, nous sommes au croisement de la motivation et de la compréhension de ce que va permettre la formation.
Il arrive que des personnes soient très motivées, mais motivées pour une croyance de ce qu’est le métier qu’elles vont apprendre ou de ce que la formation va leur apporter. Or, comme je le disais plus haut, la perception d’un métier peut être fausse, ou celle de ce qu’une compétence va leur apporter, erroné.
Il convient donc lors de l’entretien préalable à une formation de bien clarifier ces points.
Autre point à vérifier, les motivations de la personne sont-elles les bonnes ?
Lorsque la motivation est simplement de « trouver du boulot », il faut avoir conscience de la réalité du marché du travail dans le secteur et dans sa région. Et si le marché est propice, a-t-elle une chance d’être recrutée en sortant d’une telle formation ? C’est là où son parcours peut être important à analyser. Va-t-il lui donner une chance supplémentaire ou non ? Il faut garder à l’esprit le but de la formation pour pouvoir conseiller la personne. Les prérequis ne sont pas qu’une question liée à la possibilité de suivre une formation, mais aussi à son utilité pour la personne en rapport à l’objectif.
Ce que la personne doit faire
Là aussi, il faut analyser l’ensemble de la situation. Dans le cas d’une formation courte, il faut bien comprendre ce que la personne doit faire en production afin de savoir si la formation est adaptée à son besoin, et dans le cadre de formation en intraentreprise, de pouvoir adapter le parcours à la réalité du besoin. Toujours se souvenir si c’est un ou une supérieure hiérarchique qui commande la formation pour un ou une subalterne, qu’il ou elle n’a peut-être pas une vision réaliste du poste de travail ou de la nécessité réelle de production. Interroger toujours les personnes concernées.
Dans le cadre d’une formation longue, il est nécessaire de bien comprendre le rapport qui existe entre l’apprentissage du métier et les nécessités à l’obtention de la certification ou du diplôme. Ce que l’apprenant·e doit faire pour obtenir ces derniers (diplôme ou certification) n’est pas toujours logique avec l’apprentissage du métier ; c’est presque un double travail, les exigences du diplôme ajoutant souvent des choses inutiles par rapport au métier, et ne demandant pas toujours des compétences nécessaires à ce dernier. C’est d’ailleurs parfois un choix difficile pour le ou la formatrice que de déterminer ce qui est le plus important en la matière.
Conclusion
À plus d’un titre, les prérequis sont nécessaires, voire primordiaux pour entamer une formation avec une chance de la réussir.
Pour m’être retrouvé avec des personnes sans prérequis dans des formations déjà difficiles avec une bonne sélection de candidat·es, je peux affirmer que c’est totalement voué à l’échec, pour les apprenant·es, et pour vous en tant que formateur·trice.
Néanmoins, tout n’est pas toujours simple, et il arrive que des personnes se découvrent lors de la formation et, alors que nous n’aurions pas parié deux sous sur leur réussite, passent avec succès cette épreuve… le contraire étant vrai aussi, et des personnes semblant parfaitement qualifiées pour ce cheminement peuvent échouer néanmoins.
C’est donc à la fois une nécessité, mais une nécessité où il faut garder une écoute humaine. Il faut prévenir, si une personne veut absolument faire une formation pour laquelle elle ne semble pas faite, qu’il y a un risque d’échec, mais, comme vous le savez, si celle-ci est bien menée, et même si elle n’est pas réussie, se former est toujours une source d’enrichissement.