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samedi 8 février 2025
Formation professionnelle
Animation d’une séance en présentiel
L’écoute à la base des interventions
Après 25 ans de pratique en tant que formateur et avoir croisé un certain nombre de collègues, j’ai fait une formation d’ingénieur pédagogique qui m’a permis d’associer à ma pratique et mon expérience un bagage plus théorique. Je vais essayé ici de parler des interventions en présentiel.
Être formateur c’est quoi ?
Être formateur c’est transmettre des connaissances et des savoir-faire permettant aux apprenant·es d’acquérir un socle de savoir et de compétence lui donnant accès à des pratiques professionnelles. Et pour cela, il est nécessaire d’établir une relation humaine.
Certes, on entend aujourd’hui beaucoup parler de l’IA qui est censée être capable d’avoir le même rôle et d’adapter une formation à l’apprenant·e. Si cela est peut-être possible, l’adaptation que l’IA peut fournir est liée à des résultats de tests principalement sur des connaissances, éventuellement sur quelques compétences, mais certainement pas sur l’état psychologique de la personne.
Or, un bon formateur ou une bonne formatrice doit prendre en compte plus que cela.
Pour ma part, j’essaie de prendre en compte l’individu, la personne dans sa complexité, non seulement dans son besoin, mais aussi dans son parcours, dans sa psychologie en partant de 4 données sur elle et en prenant en compte ce qu’iel doit, sait, veut et peut faire selon le schéma :
- Doit : c’est les compétences métiers à acquérir
- Sait : c’est le niveau initial qui doit répondre à des prérequis
- Veut : c’est la motivation, l’implication et l’attente.
- Peut : c’est une « zone de croisement » entre le sait et le veut… une pondération du savoir, car on est là dans l’action, dans la compétence, et non dans la connaissance. Une personne peut certaine chose qu’elle ne connait pas, et parfois, ne peut pas mettre en œuvre certaines de ses connaissances dans une pratique qui les transcende.
Il est aussi nécessaire de partager ses connaissances et ses savoir-faire sans restriction, dans l’humilité des limites des unes et des autres. L’apprenant·e n’est pas notre élève au sens du rapport que donnent l’éducation et l’enseignement. L’apprenant·e est notre égal·e. Iels savent des choses que nous ne savons pas, et le fait d’avoir la maîtrise d’un métier (tant soit dit qu’on maîtrise un métier), ne signifie pas que l’on est supérieur à quelqu’un qui ne le maîtrise pas.
Former, c’est collaborer, c’est échanger, et comme j’ai coutume de le dire, une bonne formation est une formation où j’ai appris des choses, parce que l’apprenant·e est tout autant source d’enrichissement pour moi, que je l’espère l’être pour elle ou lui.
Clareté de l’objectif pédagogique
Un autre point important est une bonne compréhension de ce pour quoi votre public est là : vous devez être clair·e dans la présentation des objectifs pédagogiques et du déroulé de la séance.
L’objectif pédagogique peut se déterminer en regard de la taxonomie de Bloom [1]. La définition d’un objectif pédagogique est de la forme : « à la fin de la séance, l’apprenant·e pourra [verbe d’action] [objet de l’action] ». Il est soit : l’acquisition de connaissance (mémorisation), la compréhension (d’une procédure ou d’un principe), l’application (d’un savoir-faire) et pour les niveaux de maîtrise l’analyse, la synthèse et enfin l’évaluation.
La clarté de l’objectif pédagogique permet à l’apprenant·e de prendre conscience de son parcours de formation et de pouvoir ainsi s’autoévaluer selon les préconisations. Cela répond à un besoin d’accomplissement par l’autonomie que procure la connaissance du déroulé pédagogique et de ce qui y est attendu.
La préparation
Il est impératif de bien préparer votre intervention.
Vous avez deux niveaux de préparation :
- Premier niveau : préparer votre environnement, veillez à ce que chacun·e ait bien ce qui est nécessaire au suivi de votre séance.
- Deuxième niveau : relatif à la définition du déroulé de la séquence de formation, il permet en prévoyant les étapes de celui-ci de rythmer la séquence par l’alternance de moments théoriques et pratiques.
Le piège du professionnalisme
L’un des pièges les plus fréquents est de croire que notre maîtrise du métier suffit à être un bon formateur. Si cela aide, cela n’est pas suffisant. En effet, il est rare d’avoir un groupe homogène en connaissances et compétences, et être un bon professionnel ne signifie pas que vous saurez transmettre cette connaissance métier.
Les différents niveaux de vos apprenant·es nécessite de l’adaptation et pour pouvoir vous adapter, ce n’est pas votre connaissance métier qui vous sera utile, mais une bonne préparation et l’apprentissage de la connaissance de votre public en tant que groupe, et de chacun d’eux en tant que personne : leurs freins, leur motivation, leur niveau réel (pas celui que l’organisme de formation vous a transmis quand il vous en a transmis un). Rappelez-vous, il faut prendre en compte ce qu’iel doit, sait, veut et peut faire.
Exercices et transmission du savoir
Pour ce faire, pour prendre en compte l’apprenant·e dans sa totalité, il faut prévoir différents niveaux d’exercices, différents chemins d’apprentissage. Il y a celles et ceux qui vont travailler lentement, qu’il va falloir suivre et accompagner, et celles et ceux qui vont travailler plus vite et qu’il va falloir nourrir afin de leur éviter l’ennui.
➔Appuyez-vous sur les plus fort·es pour aider les plus faibles. Votre parole n’est pas forcément compréhensible, simplement parce que quand on connait quelque chose sur le bout des doigts, il nous arrive d’oublier que ce n’est pas le cas de notre public.
Vos exercices doivent vous permettre de vous adapter aux différents niveaux de votre public, et la parole d’un pair, d’un·e autre apprenant·e, est parfois plus compréhensible que la vôtre… parce qu’iels ont un langage plus adapté, parce qu’iels n’oublient pas des bases, une connaissance initiale que vous avez peut-être négligée tant elle vous parait évidente.
Vous devez donc avoir, en plus des exercices que vous avez prévu pour le cheminement que vous comptez prendre, d’autres exercices pour des voies moins directes, des chemins plus lents ou plus rapides, des détours que vous n’avez pas prévus, mais qu’il vous sera néanmoins nécessaire d’emprunter.
Communauté d’apprenant·es
Comme je vous le disais, être formateur ou formatrice, c’est travailler sur de l’humain. Vous ne nourrissez pas une idée de données, vous permettez à des personnes d’acquérir connaissances et compétences et il est important que vous aidiez votre public à faire groupe. Il est important que les un·es puissent aider les autres.
Relation interindividuelle entre le public et le ou la formatrice
Outre le fait de les inviter à s’aider les uns les autres, il faut bien comprendre que lors d’une formation, il y a trois niveaux de relations :
- Celle que vous entretenez avec le groupe ;
- Celle que vous entretenez avec chaque personne du groupe ;
- Celle que chaque personne du groupe entretient avec les autres.
Pour leur devenir de professionnel, il est important qu’iels puissent maintenir une relation pendant et après leur formation, et en cela, il est utile, lors d’une formation (et cela est aussi vrai pour une formation en distancielle, même si c’est plus difficile à mettre en place) de les aider à construire une relation durable.
La première séance de la formation est un moment important pour cela. Au minimum, faites un tour de table, et commencez d’ailleurs celui-ci par vous-même. Vous pouvez aussi pratiquer un brise-glace ou quoi que ce soit qui permette de faire groupe. Mais au-delà de cette première séance, c’est durant toute la formation que vous devez cultiver la relation avec vos apprenant·es. Les moments de pause et la relation informelle qui s’y pratique sont tout aussi importants que celle que vous établissez durant les moments d’apprentissage.
Surtout, ne l’oubliez jamais, c’est la bienveillance qui vous permettra d’acquérir la confiance de votre public.
L’interactivité
Comme je le disais à l’instant, il y a trois relations interactives dans une formation :
- Le lien entre les apprenant·es (qui peut prendre plusieurs formes).
- Le lien entre le groupe et l’intervenant·es
- Le lien entre l’intervenant·e et chacun·e des membres du groupe.
Le dialogue est la base de l’échange avec le public.
Pour faciliter l’interaction, utilisez la simulation de situation réelle, la correction et l’analyse critique des travaux par les apprenant·es, confrontez les apprenant·es à des problématiques et faites-les réfléchir dessus avant d’apporter les informations à transmettre.
N’hésitez pas à poser des questions sur le sujet que vous introduisez et utilisez les réponses qui vous sont données pour rebondir sur les notions importantes que vous voulez mettre en avant.
Il est important de permettre le plus possible aux apprenant·es d’être actif·ves pour éviter le décrochage et pour décharger la tension qu’engendre l’écoute passive, ce qui leur permet une meilleure concentration sur le temps long.
Mais le dialogue vous permettra aussi de mieux appréhender l’état d’esprit, l’engagement et la compréhension de vos apprenant·es.
L’erreur comme facteur de progrès
Ne stigmatisez pas l’erreur ! L’erreur est un facteur de progrès. Elle ouvre la porte au dialogue. Le tout n’est pas de la corriger, mais de comprendre d’où elle vient. Comme le disait un formateur de ma connaissance : il faut autopsier l’erreur. Vient-elle d’un manque de connaissance acquise, d’un manque de compréhension, d’attention, de compréhension de l’attendu, ou même d’un frein psychologique.
L’erreur fait partie de l’apprentissage, elle est la porte à la prise de conscience de certains aspects de la connaissance ou de la pratique dès lors qu’elle est exploitée pour ce qu’elle est : un cheminement vers la connaissance. Vous devez exploiter l’erreur pour entretenir le dialogue et pour cela, comme je le disais plus haut, c’est par la bienveillance que vous pourrez l’exploiter comme outil de progrès.
La contextualisation
La contextualisation fait partie des outils pour l’interactivité. En rapportant le plus possible les exercices à des situations professionnelles, vous faites le lien entre la connaissance et la pratique.
Il faut reprendre les objectifs pédagogiques et les contextualiser au monde professionnel. Mais il faut aussi contextualiser l’exercice dans son rapport à la théorie et à la pratique :
Faire comprendre au public ce qui est, dans les pratiques enseignées, est important à automatiser.
La contextualisation permet d’entretenir le dialogue. N’hésiter pas à faire part d’anecdotes que vous avez rencontrées, cela permet de faire vivre l’enseignement que vous dispenser, d’en rendre plus palpable les notions, de faire appel à travers l’humour à l’émotion pour un meilleur ancrage des notions et pratiques enseignées.
Travail en mode projet
Le travail en mode projet est un bon exemple de contextualisation, car, comme dans le monde professionnel :
- Il permet d’appréhender les aspects transverses d’un travail.
- Il permet d’aller de la conception à la réalisation puis à la présentation, de travailler en équipe et de devoir suivre un planning comportant des étapes.
- Il permet le dialogue et le travail collaboratif.
Si le travail en mode projet permet de mieux préparer l’apprenant·e à son intégration dans le monde professionnel, il permet aussi, lors de la formation, une meilleure implication de ces dernier·ères dans le processus d’apprentissage par une compréhension des raisons de celui-ci. Un apprentissage dénué de ce rapport à la réalité du métier n’a pas de sens, ce n’est plus de la formation, au mieux, c’est de l’enseignement.
➔Mode projet, mais aussi évaluation entre pairs, gameification sont des leviers puissants pour l’apprentissage de la réalité de ce que vous transmettez.
Écoute et adaptation du parcours de formation
Placez les apprenant·es au centre du processus de formation en vous référant à leur besoin et leur niveau.
Pour reprendre ce qui a été dit jusqu’ici, c’est l’écoute du besoin qui permet de bien préparer ses interventions et cette préparation qui permet d’être clair dans sa présentation de la formation aux apprenant·es. C’est cette clarté qui permettra de construire la contextualisation de la pratique à travers une interactivité de qualité.
➔C’est peut-être la base de la pédagogie : comprendre l’autre pour réussir à répondre à son besoin et à ses envies selon ses possibilités.
Le groupe est-il homogène ou pas ? Et y a-t-il une grande différence de niveau ? Les plus avancé·es semblent-iels désirer aider les autres ? Sont-ils là par force ou par désir ? Ou par besoin… Ne pas avoir cette écoute initiale risque de vous empêcher de bien introduire puis conduire votre intervention et surtout de pouvoir vous adapter à votre public.
C’est l’écoute qui vous permettra la fluidité des interactions avec les apprenant·es et la compréhension de leurs besoins. Et c’est aussi elle qui apportera une réponse au besoin de reconnaissance et la condition sine qua none de la confiance de l’apprenant·e.
Conclusion
Une intervention doit être préparée, et une intervention ancienne doit être révisée, voire adaptée à son public.
Avoir dans sa besace plus d’exercices qu’il n’en faut pour pouvoir changer le chemin prévu s’il ne convient pas, pour pouvoir en donner plus à celles et ceux qui vont plus vite, et en avoir des plus faciles et des plus difficiles que le niveau de difficulté de l’évaluation pour pouvoir répondre au besoin des celles et ceux qui en veulent plus ou qui peinent à suivre et qui ont besoin de plus d’étapes, de plus d’entrainement.
Cette préparation permet de faciliter l’écoute… vous savez où vous allez et comment, et même vous avez prévu plusieurs comment, ce qui vous pouvez d’être attentif·e au dialogue qui s’engage avec les apprenant·es, car votre prestation consiste bien en cela : dialoguer avec votre public
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Articles de références
« Indiquez clairement le chemin à parcourir et les prochaines étapes » : https://www.digiformag.com/e-learning/les-neurosciences-au-service-de-la-formation/
« Votre premier rôle consiste à définir les objectifs » : https://www.digiformag.com/pedagogie/alignement-pedagogique/.
« Il faut que l’apprenant·e comprenne ce qu’on attend d’elle ou de lui. » https://capsule.scenari.online/Fiches/Fiches%20pédagogiques/co/2__Elaborer_les_AAV_de_mon_cours.html
« C’est donc l’enseignante qui mène le jeu (…) » : https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/conseil_scientifique_education_nationale/CSEN_Synthese_enseignement-explicite_juin2022.pdf
« Pourquoi est-ce important de savoir bien communiquer » : https://www.cchst.ca/oshanswers/psychosocial/mh/mentalhealth_activelistening.html
« La contextualisation consiste à réaliser des tâches qui demandent l’utilisation des savoirs appris » : https://didapro.me/2011/12/05/contextualiser-les-apprentissages-etape-3-de-lapproche-par-competences/
« La mise en pratique de la différenciation pédagogique couplée à des évaluations précises permet 80 % de réussite. » https://url-r.fr/MozGp
La gamefication : « La gamification permet d’obtenir un meilleur taux d’engagement dans une activité » https://edusign.com/fr/blog/la-gamification-definition-et-principe/
L’écoute active : « L’écoute active est une compétence relationnelle » https://www.psychologue.net/articles/pratiquer-lecoute-active.
Différentes méthodes pédagogiques : https://www.formagora.fr/actualites/actualites-pour-les-formateurs/la-pedagogie-de-la-formation-professionnelle/
[1] Pour vous aider : https://wiki.teluq.ca/wikitedia/index.php/Fichier:Taxonomie_ Bloom_1956_VF.png.