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jeudi 27 février 2025
Formation professionnelle
Améliorer les méthodes d’évaluation
Un des piliers de la pédagogie.
L’évaluation est ce qui permet tant à l’apprenant·e qu’à la personne formant de savoir où chacun en est. Sans évaluation, pas de possibilité d’adapter la formation ni de comprendre où en est chaque personne de votre public. L’évaluation doit être constante et bienveillante, avec, toujours à l’esprit, le fait que l’erreur est un facteur de progrès.
Introduction
Il existe 3 types d’évaluation :
- Diagnostic (en début) : évaluation des prérequis
- Sommative (en fin pour validation) : attestation des acquis, le plus souvent en vue d’un diplôme. Concrètement, si, une fois l’évaluation passée, le résultat de l’évaluation est immuable, c’est de l’évaluation sommative.
- Formative (tout au long de la formation) : elle sert aux apprenant·es à se positionner tout au long de leur formation.
Durant la formation, la forme d’évaluation la plus importante est l’évaluation formative, car elle permet de maintenir le lien entre apprenant·e, formateur·trice et formation. Elle est le socle du dialogue.
Néanmoins, les deux autres sont aussi des outils d’apprentissage qu’il convient de ne pas négliger, d’autant plus que le prérequis est d’une importance capitale pour être certain·e que la formation est adaptée à son public (voir l’article sur le sujet).
L’alignement pédagogique
Il est impératif que vos 3 types d’évaluations soient en parfaite correspondance avec les objectifs pédagogiques.
L’alignement pédagogique consiste à rendre cohérent le parcours de formation avec l’attendu en compétences et connaissances.
Voir à ce sujet : https://sup.univ-lorraine.fr/files/2020/12/FC_alignement_pedagogique_SU2IP.pdf et https://sup-ubs.fr/documentation/alignement-pedagogique-construire-un-cours-coherent/.
Par exemple : vous enseignez une pratique et vous faites une évaluation en QCM. La pratique est un « type de connaissance » : le savoir-faire. Votre QCM, lui, évalue une connaissance pure : vous n’avez pas d’alignement pédagogique. Si vous enseignez une pratique, il faut évaluer sur la pratique elle-même et non sur les connaissances qui théoriquement la sous-tendent.
Intérêt pédagogique
Notamment par les évaluations formatives dont je parlerai plus loin, l’alignement pédagogique permet de faire de l’évaluation un véritable outil d’apprentissage. Il convient pour cela d’avoir annoncé clairement et pleinement le but et le chemin qui va être parcouru. En cela, vous permettez à l’apprenant·e d’avoir conscience de son rapport aux objectifs et à l’acquisition ou non des compétences requises tant pour l’évaluation sommative que pour la pratique professionnelle.
Votre objectif, en tant que formateur ou formatrice, est de transmettre vos savoirs de façon efficace à vos apprenants, et comme l’explique très bien l’article https://www.digiformag.com/pedagogie/alignement-pedagogique/, si cela parait intuitivement simple, cela nécessite un cheminement dans la conception qui passe par définir les objectifs d’apprentissage, choisir les méthodes pédagogiques les plus cohérentes et mettre en place des évaluations pertinentes.
Diagnostic
Comme je le dis dans l’article sur le sujet, il est impératif d’avoir une évaluation des prérequis des apprenant·es pour avoir une chance que la formation corresponde à leur niveau.
Donner une formation à des personnes qui n’ont pas le niveau pour la recevoir entraine un double échec, celui du formateur ou de la formatrice et surtout celui des apprenant·es. Les prérequis sont définis comme les conditions ou compétences que le candidat doit déjà posséder pour suivre une formation avec succès.
Une formation inadaptée au niveau des apprenant·es entraine non seulement un échec, mais aussi le risque d’une perte de confiance en soi et dans la possibilité d’évoluer professionnellement à travers la formation continue.
Un exemple courant est que si vous voulez donner une formation sur un outil informatique (logiciel), mais que vous n’avez pas veillé à ce que vos apprenant·es aient une habitude suffisante de l’ordinateur et de sa manipulation au préalable, votre public ne sera pas en phase avec le niveau attendu pour suivre la formation. Et c’est souvent le cas : ne présupposez pas que les personnes que vous allez former ont le niveau informatique nécessaire à cette formation, testez leur niveau.
https://baaziz-kafgrab.e-monsite.com/pages/divers-didactique/les-prerequis.html.
Intérêt pédagogique
Si les prérequis sont bien définis et respectés, vous aurez un public qui pourra comprendre et ce que vous lui transmettez.
D’autre part, dans le cas d’un groupe hétérogène présentant néanmoins les prérequis, vous pourrez vous appuyer sur les plus avancé·es pour aider celles et ceux qui le sont moins.
Évaluation formative
L’évaluation formative est le socle de l’apprentissage et il est nécessaire de la pratiquer fréquemment tout au long de la formation.
Comment savoir si votre public est avec vous, c’est-à-dire comment savoir s’il suit votre pensée, la comprend, assimile la pratique ou le retour de connaissance ou de pratique demandée ? En l’évaluant tout au long de son parcours.
L’évaluation formative est valable pour tous les niveaux d’évaluation et pour toutes les natures d’objectif pédagogique.
Dans une formation en présentiel, vous disposez de relations interindividuelles informelles comme la pause café, les repas, les retours en groupe quand ils ont lieu et plus généralement avec les liens que vous pouvez tisser avec votre public. Tout cela vous permet de connaitre vos apprenant·es, mais cela ne suffit pas. En distanciel, ces relations interpersonnelles sont beaucoup plus difficiles à établir, simplement parce que l’informel n’existe pour ainsi dire pas, et dans ce cas, encore plus que dans l’autre, ce sont les évaluations formatives qui permettent d’avoir une idée du niveau de suivi de votre public.
Ce sont les évaluations formatives qui vous permettent d’adapter votre cours aux différents niveaux que vous rencontrez.
Par exemple : vous devez former au montage photo, ce qui nécessite la maîtrise du détourage, des masques de fusion, de la chromie et de la composition. Tant que votre public ne maîtrise pas le détourage, il est inutile d’avancer. L’évaluation répétée à travers la pratique permet d’atteindre le moment où il est possible de passer à un niveau d’évaluation supérieur. C’est l’évaluation de l’acquisition des compétences initiales et intermédiaires qui permettent d’atteindre les objectifs pédagogiques.
Tout l’art consiste donc à disposer d’un grand panel d’exercices permettant à celles et ceux qui avancent vite, de continuer leur progression, et à celle et ceux qui avancent plus lentement, de prendre le temps de l’apprentissage. Si votre parcours doit être prévu, il vous faut adopter une certaine souplesse dans son application qui est celle qui correspond non seulement à la compréhension de vos apprenant·es, mais aussi à leur capacité de la mettre en œuvre dans sa pratique.
Évaluation formative et évaluation de la satisfaction.
Il est aussi intéressant de connaitre le niveau de satisfaction de ce dernier. En effet, une personne peut réussir, mais ne pas être satisfaite. Par exemple parce que cela est trop facile pour lui et qu’elle n’apprend rien. Cela risque de la faire décrocher et qu’il ne soit plus attentif quand le cours deviendra plus difficile.
L’évaluation formative sert aussi le ou la formatrice
https://www.cahiers-pedagogiques.com/levaluation-formatrice/
Cela permet de définir si vos exercices et les modalités d’application sont adaptés non seulement à votre public, mais aussi à ce que vous cherchez à transmettre : c’est une démarche didactique.
L’erreur positive et le feed-back
Pour cela, appuyez-vous plus encore sur l’erreur que sur la réussite. C’est souvent l’erreur qui permet de progresser. Si la réussite permet de valoriser la personne, l’erreur permet de la faire progresser. Ne jamais stigmatiser une erreur. L’erreur est le chemin de l’apprentissage. Il faut l’autopsier, comprendre d’où elle vient : incompréhension, difficulté de mise en pratique, frein psychologique, simple inattention… l’erreur a de multiples causes possibles et faire comprendre l’erreur est un pas important dans la transmission de connaissances ou de savoir-faire.
En cela vos feed-back, outre leur bienveillance, doivent être constructifs. SI vous répéter une même chose d’une même façon, il peut de chance qu’elle soit comprise si elle ne l’a pas été la première fois. Il est donc nécessaire d’adapter son discours, sa démonstration, l’exemple d’un geste.
Pour cette raison, il est important en distanciel de bien préparer les feed-back qui sont mis aux évaluations automatisées, et en présentiel d’être à l’écoute de la façon dont vos retours sont entendus. Il ne suffit pas de faire un retour et de passer à autre chose, il est nécessaire de vérifier si ce retour a été compris et ouvre la capacité de son application.
Intérêt pédagogique
L’évaluation formative permet :
- Aux apprenant·es de percevoir non seulement le niveau qu’ils ont, mais aussi celui qui est attendu.
- Aux formateur·trices de percevoir le niveau de leur public et d’adapter les séances à l’état réel des compétences et des connaissances acquises par les apprenant·es.
L’appréciation
L’appréciation est plus importante que le score ! L’évaluation et l’erreur font partie de l’apprentissage.
Faites en sorte que vos appréciations induisent un acte chez l’apprenant.
Essayez dans vos appréciations d’introduire des conseils pour l’amélioration, de donner des références pour consolider la connaissance ou aller plus loin, de donner envie à vos apprenant·es de continuer, de persévérer.
Par exemple : vous devez évaluer un travail techniquement insuffisant. La technique est liée à la pratique et l’erreur permet l’apprentissage. Ne donnez pas de notes et ne comparez pas avec les autres travaux. Valoriser ce qu’il y a de positif et ne l’opposer pas à ce que vous allez dire… cela rend votre commentaire négatif. Ne dites pas « c’est bien, MAIS » ; dites « C’est bien ET » : c’est bien et tu pourrais d’ailleurs aussi…
L’appréciation est un levier puissant de la motivation des apprenant·es.
Vous travaillez sur de l’humain. Un formateur ou une formatrice peut avoir un impact fort sur la vie de celles et ceux à qui il ou elle enseigne. Des personnes sont là pour maintenir leur emploi, pour en changer, pour sortir du chômage, bref, on ne fait pas une formation à la légère.
Intérêt pédagogique
L’appréciation permet une continuité de l’apprentissage, parfois au-delà de la formation lors de l’appréciation sommative et même après la formation.
L’appréciation permet de lutter contre le décrochage en valorisant le travail et en n’évaluant que ce dernier et non la personne.
Enfin, et c’est là un point important, elle permet d’entretenir un rapport de confiance avec le groupe en ayant la même attitude à cet égard avec tout le monde.
La nature des objectifs pédagogiques
Comme je l’ai dit, il est essentiel que les évaluations répondent à l’alignement pédagogique, et pour ce faire il est important de bien distinguer les différentes natures de l’objet de formation que vous transmettez.
Il existe 4 différentes natures de l’objet formation et il est nécessaire de les distinguer pour être certain de ce que l’on évalue :
- Les savoirs (les connaissances) ;
- Les savoir-faire (les automatismes) ;
- Les compétences (tâche complexe) ;
- La mise en situation réelle (la réalisation [l’authenticité]).
Même en informatique, on peut croiser un apprentissage du geste. Par exemple certaines personnes avaient du mal à utiliser la plume. Elles ne comprenaient pas le geste. Cliquer, ne pas relâcher, tirer les courbes de Bezier, ajuster puis relâcher ; sans compter la difficulté à reprendre une courbe avec les raccourcis donnant accès depuis la plume à la flèche noire, la blanche et l’outil de manipulation des courbes de Bezier.
Cet exemple est une connaissance (il faut savoir le geste et l’utilité des outils), un savoir-faire (il faut que cette connaissance devienne un automatisme) une compétence (l’application de cet automatisme permet un détourage). Il est donc nécessaire d’évaluer si tout le monde a compris à quoi cela sert avant d’évaluer, autour d’un ou plusieurs exercices simples si la personne a acquis l’automatisme pour ensuite évaluer dans des mises en situation réelle si la personne a intégré cette compétence qui fait partie d’un processus de travail complexe.
Adapter au minimum le nombre d’objectifs à la durée de la formation dans un ratio d’au moins une évaluation toutes les 5 heures de formation. Mais sur une formation longue, n’hésitez pas à utiliser 2 heures sur 6 pour faire une évaluation formative ET la corriger, car ne l’oubliez pas, le feed-back est aussi important que l’évaluation elle-même.
Autres types d’objectifs
Enfin, comme le présente l’article https://www.beedeez.com/fr/blog/quels-sont-les-differents-objectifs-pedagogiques on peut distinguer différents types d’objectifs :
- Des objectifs stratégiques : sur lesquels vont reposer les indicateurs de performances.
- Les objectifs de formation : qui servent de base aux évaluations.
- Les objectifs opérationnels : souvent ceux qui sont listés dans un descriptif de formation : « à la fin de cette formation l’apprenant·e pourra… (suit une liste de compétence).
- Les objectifs pédagogiques : qui permettent de définir les activités et donc les critères d’évaluation.
Méthodologie
Pour définir ses types et natures d’objectifs, vous pouvez utiliser plusieurs méthodes :
- La taxonomie de Bloom (voir https://learninghub.enac.fr/wp-content/uploads/2021/10/Taxonomie-des-objectifs-pedagogiques.pdf et https://www.bienenseigner.com/taxonomie-de-bloom/) qui fournit un instrument d’analyse et d’évaluation des objectifs pédagogiques.
- La méthode SMART qui est une méthode de définition d’objectifs dans un projet, mais n’est pas spécifique à la pédagogie.
Intérêt pédagogique
La mise en place d’intérêt pédagogique clair permet aux apprenant·es de comprendre la nature de ce qu’iels apprennent et aux formateurs et formatrices ainsi qu’aux évaluateur·trices de savoir ce qu’iels doivent évaluer.
Attitude bienveillante
Soyez bienveillant·es dans vos évaluations, car celle-ci fait partie intégrante du processus d’apprentissage… même l’évaluation sommative de fin de parcours !
Évaluer le travail, pas la personne !
La bienveillance c’est être disponible favorablement à la personne, mais en plus de cela, le formateur ou la formatrice doit aussi être bienveillante vis-à-vis du groupe.
L’apprentissage, même d’un logiciel, même d’une méthode de travail, nécessite une pratique, un apprentissage qui nécessite lui-même du temps et la bienveillance consiste à accorder ce temps. Elle va de pair avec la patience sans qui elle ne peut pas exister.
N’oubliez pas que la faute fait partie du processus d’apprentissage et la bienveillance consiste non seulement à la dédramatiser, mais aussi à rebondir dessus pour former à la bonne pratique.
Intérêt pédagogique
La bienveillance permet à la parole d’être mieux entendue, aux évaluations d’être mieux acceptées et renforce donc la motivation de l’apprenant·e.
C’est une façon pour le ou la formatrice d’apprécier son groupe et donc de s’impliquer dans son processus d’apprentissage.
Ne confondez pas attitude exigeante et intransigeance. La bienveillance n’exclut pas (bien au contraire) une exigence, car cette exigence valorise l’apprenant·e.
Conclusion.
Étymologiquement, évaluer c’est faire sortir de la valeur.
L’évaluation est un acte complexe et délicat qui nécessite à la fois une grande rigueur et une certaine souplesse… comme tout ce qui concerne la formation.
Il est primordial de garder à l’esprit deux choses :
- Lors de sa conception, l’évaluation doit reposer sur les objectifs pédagogiques, sans cela, il n’y a pas adéquation entre elle et la formation.
- Lors des évaluations, quelque en soit le type, il faut évaluer le travail, pas la personne et évaluer le travail n’est pas qu’en évaluer la réussite, mais aussi le cheminement.
Attention aux biais cognitifs ! Une évaluation ne peut pas être objective, et tout autant que les biais cognitifs, vous-même, dans votre histoire, votre humeur le jour de l’évaluation, votre affinité ou votre animosité avec la per- sonne, même superficielle, en fait un acte subjectif… Alors, soyez bienveillant !
Besoin d’aide ?
N’hésitez pas à me contacter via le formulaire ci-dessous.
Pour aller plus loin
Sur l’évaluation formative la fiche de l’UNESCO : https://url-r.fr/owKhk.
Apprentissage et compétences : comment les évaluer ? (Université Paris Saclay) : présentation synthétique https://url-r.fr/yKEJB.
Exemple de conseil en rédaction des appréciations de sessions du BAFA : https://url-r.fr/TMOIq.
La bienveillance
« la notion de bienveillance dans la relation formatrice-formé semble relativement peu interrogée dans la formation d’adultes.
» https://url-r.fr/BtPQa.
« (…) une définition stabilisée de la notion de bienveillance, du point de vue de la philosophie de l’éducation, comprise comme travail intellectuel de ce qui « conditionne le devenir homme de l’homme.
» https://url-r.fr/TMOIq.
L’évaluation bienveillante, de quoi parle-t-on ? https://url-r.fr/HnKKt.
La Bienveillance au Travail : Cultiver un environnement épanouissant. https://url-r.fr/agWdM.
La bienveillance n’empêche pas l’exigence. https://url-r.fr/lWRMp.